16 décembre 2016

Une question de l’épreuve de révision comptable du DEC pour la session de mai 2016 portait sur le schéma classique d’apport cession à une société holding (CGI, art 150-OB ter). Il semblerait que ce montage soit mal appréhendé par les candidats et nous proposons dans cet article d’en rappeler les grandes lignes.

 

Le schéma d’apport cession est régulièrement utilisé par les particuliers pour défiscaliser les cessions de titres de sociétés opérationnelles. Il consiste à créer une société Holding (H) dont le cédant aura le contrôle et à laquelle il apportera les titres (A) qu’il souhaite céder. Dans l’immédiat, cela permet de repousser l’imposition de la plus-value d’apport1 des titres (A) jusqu’à la réalisation de certains événements.

En effet, le cédant n’a pas à ce stade monétisé son gain puisqu’il a échangé des titres (A) contre d’autres titres (H).

Mais les problèmes surviennent lorsque la holding cède les titres (A) reçus en échange. En effet, si lors de la cession par le contribuable des titres de la holding (H) reçus en contrepartie, le gain net était calculé à partir du prix ou de la valeur d’acquisition des titres (A) remis à l’échange et imposé au taux désormais en vigueur, le CGI n’imposait paradoxalement aucune condition de conservation des titres (A) dans la société bénéficiaire de l’apport (H).

Dès lors, le régime du sursis d’imposition de plein droit (la plus-value n’est pas constatée et ne fait pas l’objet d’une déclaration, l’opération étant considérée comme intercalaire) en vigueur de 2000 à 2012, a donné lieu à de nombreux contentieux. L’administration fiscale, considérant que l’apport de titres (A) à une holding (H) suivie de leur cession (qui ne dégageait cette fois pas de plus-value) par la holding peu de temps après, relevait de la fraude à la loi, tentait d’invoquer la procédure de répression des abus de droit lorsque le contribuable s’appropriait les liquidités correspondantes sans réinvestissement du produit de la cession.

Afin de mieux sécuriser les investisseurs, le législateur a institué depuis 2012 un nouveau régime légal2 de report automatique d’imposition, en lieu et place du sursis, qui permet le suivi de la plus-value d’échange (elle est déterminée selon les règles en vigueur lors de l’échange et mentionnée immédiatement sur la déclaration de revenue prévue à l’article 170 du CGI).

Ce dispositif reprend certains critères retenus par la jurisprudence pour caractériser les opérations abusives. Applicable pour les apports réalisés depuis le 14 novembre 2012, il ne semble pourtant pas encore totalement maîtrisé par les apprentis experts-comptables.

 

En effet, une question de l’épreuve de révision comptable du DEC pour la session de mai 2016, diversement appréhendée par les candidats, leur demandait de se prononcer sur un schéma d’apport cession (annexe).

Le report de l’imposition de la plus-value d’apport est subordonné au respect de deux conditions exposées au III du

150-OB ter : 1. L’apport de titres est réalisé en France ou dans un Etat membre de l’UE3 ;

2. La société bénéficiaire de l’apport est contrôlée par le contribuable.

La plus-value est ensuite imposée au taux en vigueur au moment où intervient l’un des deux événements qui met fin au report, à proportion des titres cédés :

 

Cession par le haut :

La cession4 à titre onéreux des titres (H) reçus en rémunération de l’apport (CGI, art 150-OB ter I-1°) met classiquement fin au report. En revanche, la transmission par voie de donation des titres de la holding permet de transférer le report d’imposition sur la tête des enfants, s’ils contrôlent la holding. Ils supporteront l’imposition reportée en cas de cession des titres dans un délai de dix-huit mois à compter de leur acquisition5.

 

Cession par le bas :

La cession6 par la holding (H) des titres (A), moins de trois ans après l’apport, met désormais également fin au report d’imposition (CGI, art 150-OB ter I-2°). C’est précisément le schéma exposé dans l’énoncé du DEC. M. Duclos-Voujau avait donc toutes les raisons d’être perplexe. En revanche, Mlle Ella Touffaud aurait dû lui proposer, pour ne pas mettre fin au report, soit :

••d’attendre trois ans7 : en effet, la cession des titres (A) apportés, plus de trois ans après l’apport, n’entraîne aucune conséquence au niveau de la plus-value “d’apport” reportée, même en l’absence de réinvestissement.

Seule la plus-value de “cession”, calculée par différence entre le prix de vente des titres et leur valeur d’apport, fait l’objet d’une imposition8 ;

••ou de prendre l’engagement de réinvestir au moins 50 % du montant de la cession, sous un délai de deux ans, dans une activité économique9 (à l’exclusion de toute activité de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier). Le non respect de la condition de réinvestissement met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. L’autre moitié peut en revanche être utilisée librement.

 

Annexe

Sujet du DEC, révision comptable, session mai 2016

M. Duclos-Voujau associé dirigeant de la SA D-V approche les 65 ans et souhaite vendre son affaire. Mais effrayé par la simulation du montant de l’impôt à payer, il reste perplexe devant le schéma de transmission proposé par

Ella Touffaud, stagiaire du cabinet Lebonvain, (annexe 1).

 

Schéma de cession proposé par Ella Touffaud

Première étape : création d’une nouvelle SARL X dont M. Duclos-Voujeau détiendra la quasi-totalité des parts et à laquelle il apporte l’ensemble des titres qu’il détient dans la SA D-V. L’opération permet de recevoir en échange des titres de la SARL X, et de placer en sursis d’imposition la plus-value d’apport constatée à cette occasion sur les titres D-V. 

Deuxième étape : quelques semaines plus tard la SARL X revend les titres D-V à un prix quasiment identique à la valeur d’apport, de sorte que cette cession ne dégage pas de plus-value taxable.

Troisième partie : la trésorerie issue de la cession des titres est récupérée par M. Duclos-Voujeau à intervalles réguliers, sous forme de distribution de dividendes par la SARL X. Au final, cela permettrait selon Ella Touffaud de céder les titres D-V en évitant de payer l’impôt sur la plus-value.

Thierry Roy – Enseignant à l’IAE de Besançon • Diplômé d’expertise comptable •
Commissaire aux comptes inscrit à la Compagnie régionale de Besançon

1 Différence entre la valeur d’acquisition des titres et leur valeur actuelle au moment de l’apport

2 3° loi de finances rectificative n° 2012-1510 (art. 18)

3 Ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause

d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales

4 De même que le rachat, le remboursement ou l’annulation

5 Il convient certainement de comprendre « donation ».

6 Idem 4

7 Décompté de date à date

8 Avec probablement le bénéfice du régime des titres de participation : exonération à l’exception d’une

quote-part de 12% de la plus-value brute (CGI, art. 219-I a quinquies)

9 Activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière

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