16 octobre 2017

Denis BARBAROSSA, président IFEC et Boris SAUVAGE, membre du bureau de la Fédération ECF, ont introduit en juillet dernier, en tant que past-présidents ANECS et CJEC, la séance plénière d’ouverture des Estivales sur le thème du numérique. Données Partagées revient sur leur intervention et leur vision de ce sujet majeur.

 

Données Partagées : Quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés du baromètre numérique ANECS – CJEC – Profession Comptable ?

 

Denis BARBAROSSA : Avant tout, félicitations ! c’est à ma connaissance la première enquête détaillée sur les forces vives de la profession, traitant des usages, techniques et surtout de la relation clients et de la place des jeunes dans l’organisation, leur rôle dans la transformation digitale des entreprises.

Je retire de ce baromètre deux points majeurs sur lesquels nous avions partagé au cours des Estivales :

  • Une prise de conscience heureuse car les clients sont impatients ; nombreux sont les métiers impactés et notre profession n’a pas de raison d’y échapper… ces changements importants supposent que ceux qui sauront en tirer profit marqueront des points d’avance…il y a donc des places à prendre !

  • Le numérique comme outil au service de la stratégie du cabinet ; sans réflexion approfondie (process métiers, relations clients, veille, …) pas de mutation. Ce n’est pas seulement en mettant un scanner que l’on devient numérique. Une méthodologie est nécessaire et à l’IFEC nous ne souhaitons laisser personne sur le bord du chemin.

 

Boris SAUVAGE : Je trouve que dans leur ensemble les réponses ne sont pas très éloignées des études menées sur l’ensemble des cabinets, il n’y a pas de fracture. C’est sans doute parce que les jeunes professionnels évoluent dans des cabinets qui ont un passé, des habitudes qu’il est difficile de changer. Le baromètre met en exergue une intégration des nouvelles technologies mais le rôle de l’expert-comptable au centre des flux n’est pas encore acquis. En effet, les outils de récupération des flux bancaires, des factures automatiques sont maitrisés mais on perd une partie des répondants lorsque l’on va sur la mise à disposition de plateformes collaboratives ou d’outils pour les clients. Le pourcentage de personnes ayant répondu « Ça m’intéresse, comment fait-on ? » augmente sur ces questions… Si je devais être provocateur, je dirais que certains restent dans une zone de confort mais c’est peut-être aussi parce qu’ils ne peuvent tout bouleverser dans leur cabinet. Je note cependant que le baromètre faire ressortir que le numérique est considéré comme un outil au service de la stratégie du cabinet, c’est là l’essentiel !

 

 

DP : Quel est, à votre avis, le rôle des jeunes au sein des cabinets dans la transformation numérique ?

 

Boris SAUVAGE : Il y a un chiffre qui m’interpelle : 2,7% des personnes interrogées pensent qu’un expert-comptable ne doit pas s’adapter aux outils de son client et que ce dernier doit prendre ceux de l’expert-comptable. Par ailleurs, 29,3% pensent que le client peut garder son outil que s’il est compatible avec le système d’information du cabinet. Ce n’est plus vrai en 2017 ! Nous devons être capable de nous adapter à tous les outils et nous serons alors au centre des flux. Le rôle des jeunes au sein des cabinets est de réussir à positionner le cabinet au centre des flux numériques, c’est un enjeu stratégique. Vous devez prendre ce sujet dans sa globalité et ne pas être affecté à la mise en place d’un outil. Votre rôle est d’accompagner la mutation du cabinet sur son positionnement, sa stratégie pour les années à venir. Il faut également accompagner les collaborateurs, leur expliquer le pourquoi de ces évolutions, comment y aller et les former. Et tout cela ne peut se faire que dans l’intérêts de nos clients, votre rôle est global.

 

Denis BARBAROSSA : Les jeunes, dont Boris et moi faisons encore un peu parti, ont une attirance naturelle pour la technologie. Il est indispensable que les cabinets, où ils sont impliqués leur fasse confiance pour réaliser un travail de veille dans un premier temps. Ensuite, il est utile de comparer le mode d’organisation actuel avec celui visé, dans un environnement repensé. Puis lancer un POC, une preuve de concept, avant d’envisager une migration de l’existant… A chaque étape, les jeunes professionnels ont un rôle clef, courroie essentielle entre les collaborateurs et les clients, associés aînés et leur équipe.

Certains cabinets partent d’une feuille blanche pour créer un cabinet digital, d’autres passent par une évolution profonde, pluriannuelle.

Mais dans tous les cas, il faut savoir saisir cette opportunité, quitte à la favoriser ! Il existe d’ailleurs de beaux exemples parmi d’anciens élus ANECS et CJEC !

Nous avons à ce titre mis en place un Road Tour Numérique avec Nicolas Bollé, Président de notre commission innovation : la transformation n’est pas réservée à une élite !

 

DP : Les clients sont-ils prêts à suivre cette évolution numérique ?

 

Denis BARBAROSSA : Les clients souhaitent avant tout du Conseil comme le montre l’enquête du Conseil Supérieur dévoilée au 72ème Congrès à Lille. A ce titre, les outils importent peu… Mais il semble qu’ils ne soient que peu motivés pour numériser si j’en crois les conclusions de votre baromètre et la compréhension de leur 1er Conseiller de proximité : l’Expert-comptable !

Si l’évolution numérique rend un service compréhensible au client (tableau de bord, disponibilité) alors je suis convaincu qu’il utilisera de nouveaux outils. Si la seule vocation est de faire gagner du temps de saisie au cabinet sans impact en termes de restitution au client, il aura plus de difficulté à jouer le jeu…

C’est tout l’enjeu du cabinet digital : de numérique (outils), il doit ensuite passer au digital, façon plus globale de comprendre notre relation au client, nos méthodes de production et restitution d’informations.

 

Boris SAUVAGE : Nos clients sont multiples. Certains sont plus avancés que nous et à l’opposé, d’autres ont besoin de notre aide car ils n’arrivent pas à suivre cette évolution numérique. Notre rôle est complexe car nous devons accompagner tous ces clients ! Qu’ils soient prêts ou non, nous devons les emmener avec nous dans cette évolution numérique. C’est notre rôle de conseil car ils n’ont pas le choix. Pour les clients les moins prêts nous devons leur faire prendre conscience de cette évolution, les aider à mesurer les impacts sur leur activité et nous avons la chance de pouvoir, via nos éditeurs, leur proposer des solutions simples pour apporter un accompagnement global, il ne faut pas manquer cette chance ! Pour les clients, qui à l’inverse, ont déjà réalisé leur évolution numérique, où qui ont construit leur activité en l’intégrant, nous devons être connectés avec eux et être attentif à la maitrise des flux d’informations. Là encore, nous pouvons les aider. Qu’ils soient prêts ou non, nous avons un rôle important auprès d’eux.

 

 

DP / Q4 : On mise souvent sur les jeunes pour gérer cet aspect mais la formation des stagiaires est-elle suffisante aujourd’hui dans ce domaine ?

 

Boris SAUVAGE : Je ne pense pas que la formation des stagiaires soit suffisante pour les aider à gérer l’évolution numérique des cabinets. Il y a deux concepts qui semblent fondamentaux à maîtriser : comprendre l’architecture des systèmes d’information et l’organisation des données. Sans être informaticien, avoir des notions sur l’organisation des échanges, des fichiers, des besoins de puissance de calcul, permet de mieux orienter ses décisions au moment des choix pour le cabinet et de ne pas dépendre des prestataires. On parle souvent des données comme étant l’or du numérique. Si nous voulons l’exploiter, il faut savoir l’organiser. Il existe par exemple, des solutions simples et gratuites de big-data que chacun de nous peut mettre en place s’il sait structurer ses données. Ce n’est pas bloquant pour autant. On parle souvent de la formation des stagiaires, je crois qu’elle n’a jamais été parfaite, elle ne peut pas l’être. Elle peut être améliorée mais chacun doit aussi se former sur ces domaines. Nous sommes formés à apprendre : c’est l’essentiel !

 

Denis BARBAROSSA : La formation reste très pratico-pratique professionnelle. Président ANECS Paris en 2004/2006, j’ai lourdement regretté lors de la réforme DCG / DSCG la faible place faite aux langues, aux modules commerce/marketing, pourtant indispensables pour qui souhaite être entrepreneur !

Miser sur la jeunesse permet surtout aux cabinets de disposer de talents agiles, curieux et plus naturellement enclins à tester ou rechercher de nouveaux outils, de nouvelles méthodes de management, de nouveaux modes de communication avec nos clients.

C’est également un premier pied à l’étrier au cabinet.

Si la formation initiale n’est pas très appropriée, je reste convaincu et le Président du Conseil Supérieur, Charles-René Tandé, passionné de formation ne me contredira pas ! qu’il est du ressort de chacun de continuer à apprendre, notre Ministre de tutelle nous l’a d’ailleurs rappelé en Plénière : le cursus est long (8 ans) mais n’est pas une finalité … C’est ce qui fait sa richesse et notre passion !

 

 

DP / Q5 : Dans votre cabinet, quel est votre modèle ?

 

Denis BARBAROSSA : En 2007, lorsque j’ai créé mon cabinet avant d’être rejoint par Jacques Parent, ami de promo, le 0 papier était un objectif non négociable ! déjà très impliqué dans les Instances professionnelles et souvent en déplacement, il me fallait une solution nomade. Depuis le cabinet continue un travail de veille sur les outils et méthodes. Nos collaborateurs sont investis sur le sujet et participent avec les éditeurs à l’amélioration continue.

Nous ne sommes pas assez digitaux à mon goût dans le sens où l’analyse des dossiers et la gestion de la relation clients n’est pas encore assez optimisée avec nos outils pour anticiper besoins et attentes des clients. Néanmoins l’intégration des stagiaires EC et CAC au cabinet me laisse entrevoir une amélioration de nos process en lien avec ce pour quoi je milite au sein de mon syndicat : plus de conseil et de proximité !

 

Boris SAUVAGE : Nous utilisons les outils pour améliorer nos relations clients, gagner en efficacité en interne et n’hésitons pas à regarder en dehors des éditeurs de la profession. Par exemple pour fluidifier la communication interne, nous utilisons le chat et Microsoft Teams (Skype entreprise) avec une gestion des tâches non récurrentes sous Trello. Nous avons mis en place la captation des flux de clients avec des outils OCR de la profession et nous nous connectons sur les partages de fichiers des clients lorsqu’ils ont mis en place une solution (Dropbox ou autre), comme un membre de leur équipe. Nous avons mis en place un portail client, un application smartphone et proposons des solutions de plateforme collaborative à nos clients. Pour autant, nous avons encore beaucoup de flux papier, de saisie. Pour les clients qui avancent sur le numérique, c’est surtout un service pour qu’ils se concentrent sur leur business. Nos clients startups attendent de nous de les décharger du flux papier et nous formons nos clients les moins à l’aise sur le numérique pour les aider à évoluer.

 

 

Leurs parcours

 

Denis BARBAROSSA

2001 : Entrée en stage d’expertise comptable

2002 : Président de l’ANECS Paris puis Vice-président ANECS National.

2006 : Présidence CJEC Paris puis CJEC national,

2007 : Création ex nihilo à 28 ans, association à 30 ans.

2009 : Intégration du Bureau National de l’IFEC.

2010, Relance de la section IFEC Ile de France avec Philippe Bonnin et Florent Burtin puis présidence.

2016 : Président du syndicat IFEC

 

Boris SAUVAGE

2000-2010 : Double cursus : DUT Informatique, MSG (Contrôle de gestion) et DEC

2008-2011 : Directeur informatique et Responsable méthodes comptables du CER : 21 personnes dont 8 sur la création de logiciel en interne

2006 : Membre du bureau national ANECS puis Président national

2011 : Membre du bureau national CJEC puis Président national

2011 : Création Ex nihilo

2013-2017 : Président de la commission agricole au CSOEC

2016 : Membre du bureau de la Fédération ECF

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