18 janvier 2021

Yannick OLLIVIER a été élu jeudi 29 octobre 2020 à la présidence de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes par le Conseil National de la profession, pour un mandat de quatre ans. Il était précédemment vice-président sous la mandature de Jean BOUQUOT.

Auparavant, Yannick Ollivier a également été président de la commission développement de la CNCC de 2013 à 2020. Sur le plan professionnel, il est aujourd’hui directeur général du groupe Fiteco, et dirige notamment les activités d’audit et de conseil de ce cabinet depuis 2007. Son activité professionnelle est surtout orientée vers des mandats dans les PME et dans les associations de moyenne et petite taille. Données Partagées l’a rencontré.

 

Vous prenez la présidence de la Compagnie à un moment très particulier tant pour notre profession que pour notre économie. Quelle influence cela a-t-il sur votre programme ?

Il est indiscutable que la profession, comme toute l’économie, traverse une crise tout aussi majeure qu’inattendue. Cette situation est d’autant plus impactante pour notre profession que la crise sanitaire et économique a été précédée d’une période déjà très difficile en raison de la loi PACTE. Au-delà de la décision incompréhensible de relèvement des seuils d’obligation de nomination des commissaires aux comptes, ce sont les propos tenus sur notre utilité et les nombreuses tentatives de remise en cause de la pertinence de notre présence au sein du système économique qui ont fortement choqué et atteint la profession dans son ensemble.

Le sentiment d’incompréhension et de colère est à la hauteur d’une profession qui a largement été privée d’un débat objectif et de fond sur l’évolution de son rôle face aux attentes de notre environnement. Trop souvent, elle a été renvoyée à une charge supplémentaire pour les entreprises sans avoir été comprise dans son positionnement, pourtant central, d’acteur de la sécurité et de la transparence.

Nous avons été privés de débat parce que depuis 2000, et l’affaire Enron, la profession s’est vue imposer tantôt des règles d’encadrement, tantôt une remise en cause de son périmètre, sans qu’on lui donne réellement les moyens législatifs pour répondre aux mieux aux attentes exprimées par tous les acteurs qui utilisent ou lisent nos rapports.

Cette mandature doit notamment s’attacher à réduire cet « expectation gap » en s’appuyant sur une écoute fine du besoin de l’ensemble des acteurs économiques et de l’ensemble des parties prenantes. Les enjeux liés à la crise sanitaire et ses conséquences économiques majeures seront l’occasion de démontrer la pertinence de notre rôle et de nos missions au service de l’intérêt général et de la relance. 

Vous avez déclaré : « Le paradoxe est que dans la crise que nous vivons, jamais la mission du CAC n’a été autant nécessaire, et pourtant son intervention est en permanence questionnée ». Cela signifie-t-il qu’à votre avis, l’audit va encore subir des attaques ?

A l’évidence, la crise sanitaire bouleverse tous les repères économiques que nous avons connus, et surtout remet en cause les certitudes du passé. Qui aurait cru à la survenue si soudaine d’une pandémie qui mettrait le monde à l’arrêt ? Le tissu entrepreneurial français a besoin que soit organisé une sortie de crise vers une relance rapide et robuste. La confiance sera un des éléments déterminants dans l’atteinte de cet objectif.

L’argent public a permis de traverser, tant bien que mal, les confinements successifs, mais les aides d’Etat ne seront évidemment pas pérennes. La sortie de cette crise va, de nouveau, confronter les entreprises aux dures réalités du marché, et seules celles qui seront capables de prouver qu’elles restent solides passeront les étapes de la relance. Le commissaire aux comptes en sera donc un des acteurs clé en permettant aux entreprises de sécuriser et rassurer leur environnement, sur la base de données économiques et financières certifiés et/ou attestées, et d’être alertées sur les mesures de prévention indispensables.

Nous devons être force de proposition et agir pour que la nature des missions que nous réalisons réponde justement à cette démarche et que les entreprises perçoivent mieux toute la valeur ajoutée de notre rôle. C’est l’objectif qui a été assigné à la toute nouvelle commission Marchés PE, créée pour cette mandature, et à la commission Développement.

Notre capacité à prendre notre place au sein de la chaîne de confiance et à nous engager activement dans les enjeux à la fois de la relance économique et de la prévention des difficultés des entreprises sera justement l’occasion de démontrer que nous sommes des acteurs incontournables, et ainsi de nous prémunir d’éventuelles nouvelles attaques sur notre utilité.

La digitalisation est un enjeu majeur. Est-ce une priorité pour vous et, si oui, quelles actions comptez-vous mener dans ce domaine ?

Si en 2021, la digitalisation n’était pas un enjeu majeur, nous passerions clairement à côté d’un sujet d’avenir essentiel pour la profession. Néanmoins, la digitalisation doit être réfléchie et ne doit pas être vécue comme une obligation ou une contrainte par les professionnels. C’est une opportunité créatrice de valeur ajoutée dans l’exercice de leurs missions. J’ai demandé à la présidente de la commission Prospectives et Innovation, Nathalie Malicet, également membre du Bureau, de poursuivre les travaux engagés sur le numérique, mais surtout de nous proposer rapidement une feuille de route permettant de faire adhérer l’ensemble des professionnels à ces technologies indispensables. 

Je citerai pour mémoire plusieurs travaux en cours ou à venir :

Outils déjà disponibles pour réaliser de nouvelles missions : 

– Les nouveaux LabAUDIT Services : CyberAUDIT et RGPDAUDIT, qui sont deux plateformes proposées aux CAC pour mener des missions de diagnostics. Ils permettent d’évaluer l’exposition et la maturité des entités face aux défis de la cyber-résilience et de la conformité RGPD ; la valeur ajoutée du CAC est mise en avant par l’estimation financière des incidents de sécurité (paralysie des systèmes d’information, violation de données, etc.). Ces outils ont été conçus pour apporter une réponse opérationnelle à de nouveaux besoins des entreprises sur la sécurisation des données. L’actualité nous rappelle quotidiennement le besoin d’être proactifs sur ces sujets. Le commissaire aux comptes a pleinement un rôle à jouer dans ce registre.

AUDITdrive, une plateforme qui facilite et sécurise les échanges d’information entre le CAC et ses clients. C’est une solution de collecte optimisée qui s’est révélée particulièrement utile pendant toutes les phases de confinement.

A venir, AUDIT&Cie, une nouvelle app mobile dédiée aux professionnels pour améliorer significativement le lien entre eux et leurs instances nationales et régionales. Nous avons souhaité être plus proche des confrères en créant cette app disponible sur iOS et Android. Bientôt disponible, elle sera un relais précieux de l’ensemble des actualités de la profession.

Également en préparation, TheSmartList, une vitrine de la confiance économique : cette plateforme offrira aux entreprises bénéficiant de l’intervention d’un CAC (tant sur le volet audit des comptes que celui des données extra-financières) l’opportunité de se mettre en avant, constituant ainsi un écosystème des entreprises vertueuses. En affichant leur choix de se soumettre au contrôle d’un tiers indépendant garant de la qualité de l’information publiée, les entreprises inscrites volontairement sur cette plateforme pourront valoriser ce critère différenciant auprès de leurs parties prenantes

Cette liste est loin d’être exhaustive ! de nombreux projets sont en cours de développement sur les thèmes de l’audit des systèmes d’information, l’analyse des données et la datavisualisation … Autant d’outils pour transformer l’audit et mieux répondre aux attentes du marché. Bien entendu, chacun des outils est proposé avec une formation et une démarche marketing pour en faciliter l’appropriation.

Pour reprendre le début de ma réponse, vous voyez que c’est toute notre mandature qui s’inscrira plus que jamais sous le signe d’une transformation numérique accrue et adaptée au mode d’exercice des professionnels de l’audit.

Concernant la formation, la dernière enquête de l’ANECS montre que 36 % des répondant.e.s effectuent leur stage auprès d’un.e maitre de stage non habilité.e en tant que commissaire aux comptes. Lors de notre enquête de 2008 sur le même sujet, seuls 20 % des maitres de stage n’étaient pas habilités. D’autre part, 18 % des répondant.e.s rencontrent des difficultés pour effectuer leurs 200 heures et 27 % disent ne pas vouloir exercer l’audit. Ils n’étaient que 2 % en 2008. Que vous inspirent ces chiffres ?

De tels chiffres montrent qu’il y a urgence à faire reprendre le goût du commissariat aux comptes pour tous ceux qui s’engagent dans les filières du chiffre. Il n’est évidemment pas question d’ouvrir, selon moi, un débat concurrentiel entre expertise comptable et commissariat aux comptes. Depuis près d’un siècle, les deux professions sont parfaitement complémentaires et nous devons maintenir cette ligne de principe.

Néanmoins, je souhaite promouvoir tous les attraits que peut comporter l’exercice du commissariat aux comptes (et de l’audit en général), qui demeure une réelle voie d’avenir. J’ai aussi la conviction que l’émergence des nouvelles missions dites « contractuelles » ouvre des perspectives d’épanouissement en offrant l’opportunité d’intervenir dans des domaines de plus en plus variés tels que le digital et la RSE.

Dans ce cadre, Je souhaite rappeler qu’en janvier dernier, nous avons lancé une campagne « Attractivité » novatrice et totalement adaptée aux usages de communication des jeunes, tant dans sa conception que dans les canaux utilisés.

Enfin, nous ferons tout notre possible pour que davantage de maîtres de stages puissent permettre à des jeunes confrères de rentrer dans des cabinets exerçant de l’expertise comptable et du commissariat aux comptes.

 

Le diplôme en poche, pensez-vous qu’il y ait encore un avenir pour un jeune commissaire aux comptes ? N’allons-nous pas vers une inexorable concentration des mandats sur quelques acteurs ?

Si nous ne travaillons pas à l’émergence de nouveaux marchés, la concentration des mandats risque, en effet, d’être inexorable car elle est sujette à une double réalité. Tout d’abord la réduction des mandats et leur hyperspécialisation, et ensuite la concentration de l’exercice par la croissance externe développée par certains cabinets dans le cadre d’opérations de rapprochement.

Vous l’aurez compris, j’ai une ambition inverse. Je crois fermement que la diversité des modes d’exercice professionnel et la présence de nombreux professionnels sur un maillage territorial fin est un atout majeur, voire indispensable, pour notre profession. La diversité et la pluralité sont une force, il faut les préserver.

Les chantiers que nous avons lancés dans le cadre de cette nouvelle mandature intègrent totalement cet objectif consistant à continuer d’offrir un avenir à nos jeunes. Je pense notamment à la promotion de nouvelles missions « sur-mesure » au service de la sécurisation des acteurs économiques dans des domaines/secteurs aussi variés que la finance, le cyber, le digital, la RSE, le secteur public, mais aussi au développement d’outils et de formation spécifiques, propices à l’acquisition de compétences nouvelles, pour répondre aux attentes exprimées par l’environnement. Les bouleversements économiques que nous traversons n’ont jamais autant montré le besoin d’adaptation et de proximité. Il y a de la place pour tous !

Qu’attendez-vous de l ‘ANECS et du CJEC tout au long de votre mandature ?

Comme vous le savez, ma carrière professionnelle a aussi été syndicale et institutionnelle. J’ai donc une vraie confiance dans le rôle des syndicats et des associations comme les vôtres qui sont des acteurs indispensables en matière de défense et de mobilisation des forces de la profession. Les organisations syndicales sont aussi le creuset de réflexions permanentes qu’il nous faut entendre. Vos organisations, au service des plus jeunes de nos consœurs et confrères, sont indispensables à la réflexion des institutions. Je souhaite évidemment que l’ANECS et le CJEC nourrissent, aux côtés des Compagnies régionales, les commissions techniques de nos institutions, et j’entends donner la place qu’ils méritent aux plus jeunes de nos consœurs et confrères.

C’est grâce à leur implication que nous relèverons les défis ambitieux de la mandature à venir. Nous avons besoin de mobiliser toutes les énergies, toutes les initiatives, et bien sûr les nouvelles générations pour réussir à convaincre et faire adhérer. C’est via leur présence au sein des institutions que nous irriguerons encore davantage le corps professionnel dans son ensemble.

 

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